Le format court pour motiver à la lecture
Interview de Christophe Sibieude, associé fondateur de Short éditions.
Short Édition est un éditeur de littérature courte, créé il y a 10 ans. On est parti avec deux idées.
Première idée : le format court en littérature a de la valeur. Il est adapté aux nouveaux modes de vie, aux nouveaux supports et usages.
Deuxième idée : ouvrir la littérature – aussi bien la lecture que l’écriture – à tous, en créant un modèle communautaire. Nous avons ainsi près de 450.000 lecteurs abonnés. Parmi eux, des grands lecteurs qui ont choisi de devenir membres de notre comité de lecture font un travail d’évaluation des œuvres, préparant ainsi le travail éditorial de nos équipes, qui décident ou non de promouvoir ces contenus sur notre plateforme short-edition.com. Dans ce système, les auteurs peuvent rencontrer les lecteurs… et les lecteurs peuvent jouer un rôle éditorial !
Et une troisième innovation est venue en marchant : c’est le Distributeur d’Histoires Courtes, un nouveau média pour propulser la littérature courte. Il s’agit des bornes qui distribuent des histoires sur papyrus en mode aléatoire en proposant au lecteur de choisir son temps de lecture. Elles sont placées dans des lieux publics (gares, aéroports, hôpitaux, galeries commerciales…). C’est gratuit pour le lecteur. Et c’est une façon pour des entreprises ou des organisations de mieux accueillir leur client ou leur visiteur, de faire baisser le stress et la tension liée à l’attente.
Nous avons eu l’idée devant un distributeur de boissons et de snacks. On a commencé par une petite boîte, pas très design, mais le concept de l’impression à la demande en aléatoire en choisissant son temps de lecture a tout de suite énormément plu. Donc nous sommes passés aux tests à grande échelle, en grand format.
L’accueil a été excellent. Nous avons eu très vite plus de 2000 articles dans 40 pays, avec notamment beaucoup de retombées aux États-Unis.
On s’est dirigé vers le monde académique pour répondre aux très nombreuses demandes de cet univers aux USA et en France. Nous avons commencé avec les universités américaines souhaitant valoriser leurs programmes d’écriture créative. Et on a vu que ça marchait bien.
En France, nous avons reçu énormément de demandes d’enseignants, de centres de documentation, de proviseurs, qui ont tout de suite vu dans ce nouveau média et dans le format court le moyen d’intéresser les élèves à l’écrit et à la lecture.
Pour nous adapter au monde académique et coller au plus près des attentes, nous avons travaillé avec nos premiers clients pour faire des expérimentations aux niveaux école, collège et lycée. Dans 11 établissements sur 3 ans, impliquant plus de 2500 élèves. En leur parlant beaucoup, en les écoutant, en leur proposant des ajustements.
Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il fallait à la fois un mini distributeur, facile à transporter et peu onéreux. Nous avons donc créé le Cub’Edito, et une plateforme d’écriture, pour mettre les contenus des élèves dans les distributeurs et valoriser les créations des élèves, nous avons conçu le Site Edito.
Le dispositif Edito (Cub + Site) a été labellisé Edu-Up par le ministère de l’Éducation nationale. Nous sommes en phase de déploiement dans 11 académies.
Les retours sont très bons. Des enseignants raccrochent notre solution à leurs projets (des quarts d’heure de lecture, des ateliers d’écriture, des projets autour de la BD, etc.) pour les booster. C’est vraiment un dispositif au service de leur projet pédagogique. Le cœur de notre cible, ce sont les collèges mais nous intéressons aussi beaucoup les lycées (d’abord professionnels) et les écoles élémentaires. Et nous démarrons aussi avec les universités françaises, à SciencePo le plus récemment, des actions au service de leurs programmes d’écriture créative.
C’est très important ! C’est la reconnaissance que le parti pris de faire écrire pour faire lire est le bon. Qu’on dépasse l’injonction « lis ! »… qui a ses limites !
Que le levier de notre nouveau média pour familiariser les élèves avec le monde de l’écrit, spontanément moins attractif que celui de l’image ou du jeu vidéo, est reconnu par l’institution.
Et c’est aussi un soutien de tout le tissu de l’Éducation nationale avec la possibilité facilitée d’entrer en contact avec toute la frange avant-gardiste et innovante des acteurs de terrain (DANE, enseignants…).
Enfin nous avons enclenché avec un Comité scientifique le suivi et l’évaluation des actions de terrain dont nous commençons à percevoir les premiers retours positifs. Ce sera très important pour la généralisation de notre dispositif.
Le contenu court c’est d’abord la promesse de lire d’un trait une histoire, du début à la fin.
Nous avons plus de 4000 œuvres, classées en collections par thème, par genre et par niveau (école, collège, lycée). Chaque enseignant peut faire sa propre sélection pour coller à son projet pédagogique et même créer sa propre collection avec nos œuvres ou avec des extraits d’autres œuvres… ou même avec les travaux de ses élèves.
Le Cub’Édito permet à la fois de sortir de l’écran et de désacraliser le moment de la lecture et le monde de l’écrit.
Le livre est devenu intimidant pour le jeune public ou pour un public qui n’est pas familier, dans son environnement familial et personnel, de la lecture et du livre. Le papyrus est plus ludique et moins impressionnant qu’un livre. On désacralise la lecture. On offre une entrée avec une sortie… puisqu’on sera sûr de finir sa lecture.
L’enseignant peut accompagner l’élève dans son processus créatif jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la publication de son texte. L’élève se retrouve ainsi dans la position d’un auteur, tandis que le professeur occupe d’une certaine façon le rôle d’éditeur. On aime bien l’idée que les élèves écrivent seuls, parce que la démarche lui apportera une forme de « fierté ». Toutefois l’aspect collaboratif est pris en compte et il est aussi très important.
Par un déploiement à grande échelle ! Avec le Site Édito disponible dans de très nombreux établissements et des Cub’Edito mis à disposition des enseignants, en mode mutualisé, par leurs collectivités de référence. Nous travaillons déjà avec des collectivités qui équipent leurs établissements et dans différentes académies (Versailles, Orléans-Tours, Strasbourg, Nancy-Metz, Normandie…).
Avec un coût de 0,4 € à 1€ par élève et par an, nous sommes persuadés que le dispositif est accessible à tous les établissements.
Nous ne sommes pas tout à fait dans le champ disciplinaire classique avec la lecture plaisir et l’écriture créative, qui ne sera pas nécessairement évaluée. C’est un dispositif transversal pouvant associer les profs de lettres, les documentalistes, mais aussi les profs de langue (avec des œuvres en anglais, espagnol, italien, allemand), d’arts plastiques (la BD), etc.